(05-01-2020, 17:14)Fred.henry a écrit : Alias. Tu as posté un long commentaire très étayés sur TO. Et je penses que tu as raison sur 100% de tes points. Est ce que je peux le copier/coller ici ? Je pense qu'il explique beaucoup de choses (je reconnais la dimension psychologique de l affaire, simplement je la déplore. Mais je la reconnais et je reconnais l avoir beaucoup trop sous estimée).
Je le fais moi-même avec plaisir. Je l'ai posté sur overlord pour essayer de détendre un peu le slip des gens là-bas. Quand on comprend (un peu) mieux ses émotions, çà calme un peu le jeu, enfin généralement

Et je précise au passage qu'il ne s'agit pas pour moi d'être dans le "reproche", j'analyse juste ce que je constate sans chercher "à qui la faute". Et si je devais le faire ce serait probablement fifty/fifty entre le client trop formaté et le cuistot qui a oublié un ingrédient dans sa recette.
Et aussi, spécialement pour Fred : ne te mord pas trop les doigts non plus. Evaluer les dynamiques et réactions des systèmes humains est beaucoup plus difficile que ce que les commerciaux laissent souvent entendre. Les dynamiques des systèmes humains sont au coeur de mon boulot depuis bientôt 20 ans et je sais maintenant que je ne ferai jamais le tour de la question. Il y a tout simplement trop de paramètres à prendre en compte et ces dynamiques évoluent à une vitesse impressionnante. Et je ne parle même pas du biais qu'il y a à analyser un système dont on est soi-même un élément.
De la psychologie du client en 2020 et du pourquoi il grogne
Je ne peux pas m'empêcher de noter que de très nombreux clients fidélisés par Monolith sont aujourd'hui perdus voire même rejettent l'offre BTM. Et comprendre les motifs de cette prise de position est moins évident qu'il n'y paraît car les arguments sont multiples et pas toujours rationnels. Je vais donc tenter de reprendre tout çà sans me risquer pour autant à dire "ce qu'il faut faire".
1/ La valeur perçue des figurines
Pour bon nombre de clients, chaque figurine possède une valeur intrinsèque qui est définie par de nombreux critères : son esthétique, sa rareté, son intérêt en jeu, son prix, sa taille, etc. En jouant sur ces curseurs, un fabricant peut faire varier la valeur perçue. C'est ainsi qu'une figurine moche mais rare et utile en jeu aura une valeur plus élevée qu'une superbe sculpture fournie en 15 exemplaires dans toutes les boîtes de base.
Pour les clients du KS 2015, de nombreuses figurines ont une valeur assez élevée car elles sont uniques, voire même KS Exclu (c'est le cas de nombreux héros en SG) et il n'est plus possible de se les procurer aujourd'hui en dehors de l'achat d'occasion. BTM va baisser lourdement le curseur de rareté sur ces figurines en proposant de les vendre en masse et à très bas coût. Ce seul fait donne déjà une perception négative au client du KS 2015 même si c'est le plus souvent inconscient.
Là où les choses se compliquent davantage c'est que la proposition de vente faite par Monolith implique pour ce client de racheter les dites figurines uniquement pour avoir les tuiles qui permettent de jouer à BTM. Donc non seulement la valeur perçue pour ces figurines va drastiquement baisser mais en prime, on leur propose d'en racheter un second exemplaire inutile. Cette perception de "produit inutile" fait baisser lui aussi le curseur de la valeur perçue. Au final, ces doublons ne sont plus simplement perçus comme ayant une valeur faible voire nulle mais carrément comme ayant une valeur négative qui impacte la perception de l'offre (j'y reviendrai).
Déplaçons la situation dans un autre secteur commercial : votre mobile acheté 500€ il y a un an est soudainement bradé à 50€ mais le constructeur ajoute une fonctionnalité très intéressante dessus. Sauf que les modèles de l'an dernier n'y ont pas droit, pour avoir la nouvelle fonctionnalité il faut racheter le modèle 2020. Alors que vous n'avez pas du tout l'usage d'un second mobile et qu'une MAJ de l'ancien vous semble techniquement faisable.
Cette situation génère de la frustration ("raaah les rats, ils refusent la màj sur mon modèle qui marche encore très bien"), de la colère ("mon modèle de l'an dernier ne vaut plus rien") et du rejet ("plus jamais je n'achète cette marque là").
2/ Le besoin de simplicité et de jouissance des biens
Si il y a bien une évolution majeure du commerce sur les 20 dernières années, c'est le besoin de simplicité et de la jouissance immédiate des biens achetés. Les gens veulent des produits qui fonctionnent "out-of-the-box". Des marques comme Apple l'ont bien compris et ont bâti leur succès sur ce principe. Je vais reprendre l'univers du mobile comme exemple. Il y a 15 ans, votre mobile était vendu avec une batterie vide et un mode d'emploi. Aujourd'hui, plus de mode d'emploi et votre batterie est chargée à 60% pour un usage immédiat. Il en va de même dans de nombreux secteurs, les gens veulent du simple qu'ils peuvent utiliser sans difficultés. Parce que le temps disponible s'est considérablement réduit. Les hobby, les activités sociales ont connus un essor majeur et le client lambda ne veut pas consacrer X heures à comprendre un produit ou une offre.
Dans le secteur du jeu, ce phénomène est également présent. On part simplement d'une situation de base un peu différente. Il y a 20 ans, un joueur-client pouvait passer des jours à potasser un livre de règle. Aujourd'hui, il veut des livres de règles clairs, net et précis dés la première lecture. La sortie d'un livre de règles revu et corrigé pour Conan 2015 est un parfait exemple de cette évolution. En 2000, les clients-joueurs se seraient démerdés avec le livre d'origine sans demander un nouveau livret.
L'offre MBP actuelle est d'une simplicité acceptable pour les nouveaux clients mais pose un réel problème de simplicité pour les anciens clients car elle génère un conflit entre la manière dont ils se considèrent (anciens clients avec déjà du matériel) et l'offre faite (faut tout reprendre comme si tu étais un nouveau client). Du coup ils ne comprennent pas. "Mais je fais quoi de mes anciennes fig du coup ?" est sans doute la question la plus fréquente vue sur les topic. Et comme la réponse est "rien, elles sont sans usage dans BTM", le client ne comprend pas. Il possède à la maison des figurines qui sont les mêmes que sur l'image mais on lui dit qu'il ne pourra pas s'en servir (pour un tas de raisons compliquées). Le besoin de simplicité n'est pas du tout satisfait et la jouissance de son bien lui étant ôtée (de son point de vue) le client est mécontent. Dans la tête du client, il a 90% du produit (la figurine puisque c'est elle qui a de la valeur à ses yeux), il suffit qu'on lui donne les 10% restant, c'est "très simple" (toujours de son point de vue).
Posséder un objet et ne pas pouvoir l'utiliser du fait de contraintes que l'on ne comprend pas (ou mal) est une source exceptionnelle de frustrations. Que ces contraintes soient rationnelles ne change pas grand chose à l'affaire.
3/ Le besoin de reconnaissance
Les marques l'ont bien compris, le client a besoin de reconnaissance. Dans notre société de l'image et du narcissisme, le client aime se sentir "spécial". Les montagnes d'offres VIP à la con ne me contrediront pas. Plus encore, le client qui se considère comme un "fidèle" de la marque veut encore plus de reconnaissance car il est en mode "sans moi vous en seriez encore à vendre des slips sur le marché, ne l'oubliez pas monsieur Henry, j'ai participé au succès de Monolith". C'est terriblement con car il n'est en fait qu'un client parmi des milliers mais ca n'en est pas moins vrai pour autant dans la tête du client.
Et l'offre actuelle est terriblement destructrice de l'ego du client fidélisé. Parce qu'en version courte, on le traite comme un nouveau client en lui proposant de tout racheter. Les réductions ont été faites pour atténuer le phénomène. Mais pour beaucoup de client ce n'est pas vraiment une question d'argent et économiser 5€ ne change rien à leur perception de l'histoire qui reste : "Monolith me traite comme un bouseux de primobacker moi qui ait Conan, MBP et Claustro à la maison ? WTF ??"
On touche ici à l'ego des clients et çà fait mal. C'est toujours aussi irrationnel car les clients ont eu un deal intéressant à un moment (Conan 2015 ou MBP) et la marque Monolith ne s'est pas engagée pour autant à leur fournir un suivi de ce deal dans l'avenir. Mais ce n'est pas ainsi que le client perçoit les choses. Il se voit comme un soutien important de la marque et attend en retour d'être traité avec certains égards. Si j'ai acheté mes 3 dernières bagnoles chez le même concessionnaire et qu'il me traite de la même façon que mon voisin qui va pour la première fois chez lui, je vais sans doute faire la gueule. Là c'est pareil.
4/ La perception de la plus-value
BTM a été vendu comme apportant une plus-value au système actuel en scindant matériel et univers de jeu afin de ne pas avoir à racheter chaque fois un matériel de jeu identique. C'est ce qui a été mis en avant dans la communication. Et c'est parfaitement vrai pour un nouveau client. Il achète son core system, ses factions box et prochainement il pourra jouer à SdA et d'autres univers en achetant uniquement des faction box.
Mais pour l'ancien client, la transition implique un paquet de figurines en doublons. Et pour toutes les raisons évoquées dans les trois points précédents, ces doublons n'ont pas seulement une valeur nulle mais bien une valeur contre-productive, négative si vous préférez. Parce qu'il y a de la colère, de la frustration, de l'ego malmené, des problèmes de stockage, une mauvaise conscience écologique, etc, etc...
Du coup, tous ces doublons ne sont plus des "cadeaux bonus que Monolith vous donne parce que çà ne lui coûte presque rien" mais des boulets que l'offre traîne aux pieds et qui dévalue l'offre aux yeux des anciens clients. Aussi bizarre que cela puisse paraître, ces doublons conduisent l'ancien client à réviser à la baisse son analyse instinctive de l'offre. On est dans le cas où l'ajout de produit nuit à l'offre globale. BTM n'est donc plus perçu comme une offre innovante avec une plus-value (c'est ce qui est vendu dans la com) mais comme une "opération commerciale visant à me vendre une seconde fois des produits que j'ai déjà". Le client a sentiment qu'on le prend pour un con, et il déteste çà.
Conclusion
Nous sommes ici dans une affaire d'émotions, de subjectivité et de perception.
Monolith pense avoir construit une belle offre avec des tarifs aux petit oignons et une reconnaissance des anciens clients via les réductions. Et question tarifs, ils ont raison.
L'ancien client lambda perçoit une offre qui passe à côté de ses besoins et la rejette. Et il a aussi raison.
Bonne chance à Monolith pour se sortir de tout çà.